HEIDI WOOD à la Planète magique

Galerie Anne Barrault

3 juin – 12 juillet 2003

 

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Anne Barrault, Heidi Wood a investi la Planète Magique, un parc d’attraction depuis longtemps à l’abandon installé dans l’ancien théâtre de la Gaîté Lyrique. D’abord peintre, cette plasticienne explore depuis quelques années les points de jonction entre art et décoration par un jeu subtil de mise en abîme de son œuvre peinte qu’elle s’emploie à représenter doublement par des prises de vues de ses tableaux en situation. Ces photographies étant, selon l’artiste, des produits dérivés de la peinture.

 

Dans des lieux souvent stéréotypés, à la manière des corners de salon d’ameublement, Heidi Wood place ses toiles et revendique explicitement cette ligne claire et glacée des catalogues de décoration intérieure. Une atmosphère figée où prévaut la composition comprise comme un assortiment d’éléments composites qui sonnent juste et s’ajustent les uns aux autres selon une parfaite convenance : soit que les tableaux en surplomb de meubles en formica sur le pépier peint à larges motifs habillent un intérieur bourgeois des années 1970 – la Maison de banlieue -, soit que les toiles disposées à dessein transforment l’allure du site de production de Cristal Union.

 

A chaque fois, il s’agit de Serving Suggestions, de propositions d’accompagnement, c’est à dire d’une stratégie plastique qui vise à socialiser les œuvres via un habitacle domestique ou un environnement. Toujours in situ, la raison d’être des toiles, qui vont souvent par série de deux ou trois, est de se fondre dans le décor comme la partie idoine de la bienséance de l’ensemble.

 

Heidi Wood joue elle-même de cette conformité apparente dans sa peinture, puisqu’elle figure toujours des formes simplifiées à l’extrême, proches des pictogrammes et de la signalétique urbaine.

 

Dans cette nouvelle proposition d’accompagnement dans les vestiges de la Planète magique, ses toiles aux couleurs plates, conçues en fonction du lieu, s’intègre aux site plus qu’elles ne se confondent avec lui. De la couleur de la rampe aux plinthes des murs, du macaron d’interdiction de fumer à la moquette au sol, chacun des tableaux géométriques d’Heidi Wood formalise un arrangement avec un décorum années 1980 prématurément vieilli. Ce fantôme de féerie ainsi compilé avec l’application logique de la convenance se transforme, et ces salles dépareillées retrouvent un semblent de magnificence. C’est la symphonie que photographie Heidi Wood. En d’autres termes, ce qu’elle montre pourrait être une tonalité, une couleur, comprise comme intention et orchestration.

 

Raya Baudinet, 2003

art press n° 292

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