LES CONTOURS DE QUELQUE CHOSE

Heidi Wood désigne mais ne nous fait pas signe, quand bien même nous délivre-t-elle des formes signalées, presque signalétiques. Elle nous les tend telles qu’elle les a prélevées dans cette zone indistincte qui joint la réalité comme représentation et la représentation comme réalité. Tirées de paysages refaits par les images qui les ont adoptés. Elle ôte, elle détache, elle extrait les signes de l’environnement où ils se signalaient mollement, signant avant tout une appartenance ou une apparence. Dé-signant, elle dé-cèle, dé-toure, dé-voie. Dessine.

 

Dessiner, soit dès l’origine du mot, désigner, « tracer les contours de quelque chose ». Quelque chose de visible ou d’invisible, de réalisable ou d’irréel, de limpide ou d’inexplicable. Contraires souvent unis jusqu’à ce que le dessin les distingue. En l’occurrence, Heidi Wood décolle le signe et son référent, nous donnant des signes dévêtus de leur signification, déduits du monde et déposés nus devant sa reproduction. Détachés de l’univers tout compris et de son bon sens continu.

 

Pour autant, il ne s’agit pas pour Heidi Wood de déconstruire, même si l’on verrait bien dans les croquis redressés et les plans aveuglés des outils pour penser l’infrastructure et bricoler la superstructure. On pressent plutôt la tentation d’une recomposition et d’un déploiement. Que la forme dépasse la forme et le signe dévoile le signe, en somme que la révélation esthétique régénère l’anesthésie sémiotique. Après avoir évidé l’évidence, pouvoir tracer les contours de quelque chose d’autre.

 

« Comme le rêve, le dessin travaille à la séparation, mais pas plus que ceux du rêve, ses liens avec la réalité ne sont entièrement rompus »
Philippe-Alain MICHAUD

 

Jacques Norigeon, 2009
Catalogue Carnet sagace 20

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