PLANÈTE MAGIQUE

« Planète Magique » est une friche foraine, un ancien parc d’attraction, situé en plein cœur de Paris. Avant que cet espèce de caverne d’Ali Baba ne devienne l’antre des arts électroniques, Heidi Wood y a fait une série de photos… de ses tableaux. Les décorations ultra kitsch et les ménages enchantés encore intacts de « Planète Magique » constituent ainsi la toile de fond idéal de peintures aventureuses. Car Heidi Wood n’a pas l’habitude de laisser ses toiles au repos. Elle les déménage dans les espaces incongrus où elles auront toutes les chances pourtant d’avoir l’air bien adapté : leur géométrisme rond, pointu et coloré, l’artiste l’emprunte aussi bien au vocabulaire du formalisme artistique qu’à celui du design ou de la mode. Bref, ces motifs sont trop imbibés de différentes sources pour ne pas paraître inédits, à la fois quelconques et singuliers, mystérieusement indatables et furieusement tendance. Du coup, alors qu’elle est ici plongée dans cette atmosphère très eighties, il s’agit de voir si cette peinture se laisse absorber par le décor. Ou si elle se maintient hors de lui et parvient à défendre coûte que coûte son autonomie. Mais Heidi Wood ne fait pas nettement pencher la balance : elle s’arrange au contraire pour maintenir l’ambiguïté. En choisissant la cadre de la prise de vue, en orientant finement sa peinture vers l’esthétique du lieu, l’artiste refaçonne et ses toiles et l’environnement. Grâce à cette petite mise en scène, elle crée les conditions d’une contamination étrange entre les deux. Ironiquement, comme dans une vitrine de magasin, ce qu’Heidi Wood nous vend, ce n’est pas l’objet ou l’œuvre : c’est l’ambiance.

 

Judicaël Lavrador

mars 2003

Publié dans Heidi Wood à la Planète Magique

lors de l’exposition personnelle à la Galerie Anne Barrault du 4 juin au 12 juillet 2003

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