UN LABEL QUI FAIT FOI

Heidi Wood / Chapelle Notre Dame de Moustoire

 

Notre-Dame de Moustoire est une chapelle. Sa présence au cœur de la campagne profonde est signalée au visiteur par un panneau indicateur. Une chapelle y est schématisée. Réduite à un symbole, une image, un logo : ici, chapelle à voir !

 

On s’interroge quant à l’influence du logo « chapelle » sur la découverte de Notre-Dame de Moustoire. Bien que semblable à toutes les autres, cette chapelle est unique en son genre. Ce qui fait son intérêt touristique, c’est précisément sa différence, ses particularités architecturales, son inscription spécifique dans le paysage. Le logo la réduit pourtant à une chapelle comme les autres, une parmi tant d’autres, une qui additionnée à toutes les autres constitue un « véritable patrimoine ». Ce que désigne le panneau - plus que la chapelle elle-même – c’est sa participation à l’attrait touristique de la région.

 

Ainsi, les codes normalisent le monde. Ils labellisent. Ici le label fait foi. A n’en pas douter, il y a ici quelque chose à ne pas rater. Le condensé schématique du logo se veut universel : il signale une chapelle digne d’intérêt pour quelque promeneur que ce soit. Peu importe ses convictions religieuses. Le caractère cultuel du site semble écarté.

 

Sous couvert de faciliter sa découverte ou sa compréhension, les codes régissent le réel. On n’imagine pas à quel point ils orientent le regard. En devançant sa découverte, le logo réduit la chose. En préfigurant, il défigure. En quoi la chapelle Notre-Dame de Moustoire coïncide-t-elle avec l’idée que l’on se fait d’une chapelle ? En quoi son intérêt touristique mérite-t-il d’être signalé ? A force de schématiser le monde, notre intelligence au monde devient elle-même schématique.

 

Heidi Wood se penche précisément sur la dimension arbitraire du code qui régit le visible au point de s’y substituer. Invitée à intervenir dans cette chapelle, elle fait le choix de jouer avec ce rapport de signification entre l’indicateur et l’indiqué. Sous couvert de fiction, ses déplacements rejouent le jeu des représentations qui relient les signes aux objets. Et si le logo « chapelle » devenait ainsi l’objet d’un culte d’un nouveau genre ?

 

L’œuvre signale à son tour cette sorte de détournement. Trois chasubles suspendues barrent la nef à intervalles réguliers. De confection soignée, jouant du contraste des différentes étoffes associées, ces somptueuses parures font directement écho à l’habit de cérémonie. La broderie au point de croix reprend le logo du panneau signalétique. La symbolique des couleurs déjouent également d’autres conventions, le masculin face au féminin, par exemple.

 

Evocation schématique de trois corps absents, les trois chasubles habitent l’espace d’une forte présence physique. Le flottement aérien des tentures mais aussi le contraste entre la matérialité lumineuse et chaude des textiles et la minéralité éteinte et froide du contexte, tout cela participe d’un effet général et troublant de rémanence artificielle.

 

Le caractère revival de cette fausse cérémonie provoque le sentiment diffus d’une certaine confusion des genres qui n’est pas sans justesse.

 

Philippe Coubetergues, mai 2011

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