APPARITIONS COLLECTIVES

On a découvert le travail d'Heidi Wood au début des années 2000 par une stratégie qui mettait en avant le devenir décoratif de la peinture abstraite : l'artiste concevait des décors domestiques (type salon avec papier peint et luminaire) dans lesquels elle accrochait ses propres compositions abstraites. L'ensemble était pris en photo ou proposé sous forme de protocole et constituait, dans une logique marketing, une "suggestion de présentation".

 

Ceci témoigne également de son intérêt pour l'intrusion de l'économie d'entreprise dans les modes de production et de diffusion de l'art. Elle démontre celle-ci par divers moyens (parfois aussi exagérés que l'intrusion économique peut-être outrancière) : diffusion de ses oeuvres sous forme de spams, délégation de la production, définition d'une date de péremption des tableaux, accrochages qui s'inspirent du stand de foire ou du syndicat d'initiative, déclinaison de ses oeuvres sous des formes qui empruntent au merchandising...

 

Dans le cadre de résidences ou de commandes publiques, Heidi Wood a pour terrain d'exploration des villes souvent inconnues dont elle cherche à extraire l'essence. Dans une esthétique proche de la peinture géométrique, c'est sous la forme de pictogrammes que ces synthèses de l'espace urbain se traduisent. A la manière de logotypes promotionnels, ceux-ci sont imprimés sur des supports bons marchés (assiette, carte postale, calendrier, panneau signalétique...) qui maintiennent la confusion entre divers domaines.

Répondre à l'invitation des 30 ans des Frac a permis à Heidi Wood d'appliquer ses méthodes de travail à une collection publique.

 

Dans les "Apparitions collectives", deux axes sont développés : mettre en scène des oeuvres autour de thématiques communes et décanter sous forme de pictogrammes de possibles synthèses de cette collection. Pour chaque "Apparition", une oeuvre est exposée et les autres sont schématiquement représentées en peinture murale. Quatre des 14 protocoles créés sont réactivés à Toulouse après deux premiers cycles (partenaires en région Poitou Charentes puis au FRAC à Angoulême) :

 

- avec l'oeuvre de Didier Marcel (Philippe Pareno et Maurizio Cattelan, Pierre Malphettes), des structures relatent des micro-utopies et/ou l'aménagement des espaces favorables aux échanges. Sans grande révolution, l'utopie se veut relationnelle et débute au bas de l'immeuble ;
- aux côtés de l'oeuvre d'Ingrid Luche (Mark Handforth, Mariano Fortuny), ambigus, poétiques, usuels ou graphiques, les luminaires deviennent matières premières à la création ;
- les briques de J. Duplo caractérisent l'application répétitive d'un système. L'usage de matériaux pauvres et inattendus met en avant l'ingéniosité et l'obsession d'un geste ( Nathalie Talec, Vincent Ganivet) ;
- outil numérique de synthèse formelle, on peut introduire le dispositif avec Delphine Coindet (Xavier Veilhan) par : "L'art pour moi, c'est faire émerger des choses dont on connaît l'existence, mais que l'on ne voit pas. Je veux créer des sortes de logotypes qui placent le spectateur devant un questionnement." (X.V.)

 

Hélène Dantic

Texte du catalogue pour l'exposition Les Pléiades, 30 ans des Fonds Régionaux d'art contemporain
28/09/2013 - 05/01/2014

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